Textes critiques
Texte de Louis Doucet
Texte de Cathy Morault
Texte de Anne-Laure Peressin
Texte de Louis Doucet
Il ne faut pas refuser secours à la ronce qui veut devenir rose.
Paul Claudel [1]
Contrairement à ce que son patronyme pourrait suggérer, Sibylle Besançon n’est pas Doubienne [2] mais Costarmoricaine[3]. Elle est née sur la côte sud de la Bretagne, dans le Morbihan, à Hennebont. Sa maison-atelier, à l’écart du village de Langrolay-sur-Rance, à quelques jets de pierre du département de l’Ille-et-Vilaine, est située de l’autre côté de la péninsule armoricaine, sur un petit plateau dominant la Rance, très large à quelques kilomètres de son embouchure. Sa demeure, qui est aussi son lieu de travail, est à double face, comme le dieu Janus. Vers l’ouest, au pied d’une terrasse, un jardin d’agrément luxuriant, parfaitement – et écologiquement – entretenu. À l’est, vers le fleuve et du côté de l’atelier, les traces de ce qui aurait pu être un potager mais dont les légumes ont été délibérément laissés au-delà de la période propice à leur cueillette. Les pousses de radis atteignent presque un mètre de hauteur et la roquette n’est plus comestible depuis longtemps… Alain a écrit : « Quand un jardinier veut faire un jardin, il commence par arracher les herbes folles, les prunelliers sauvages, les ronces recourbées ; il met les oiseaux en fuite ; il défonce la terre ; il poursuit les racines, il les extirpe, il les jette au feu[4]. » Notre artiste ne serait jardinière que pour la moitié de son domaine… Pas tout à fait, cependant, car les ronces, recourbées ou non, ne vont pas au feu mais sont conservées comme un de ses matériaux de prédilection pour la construction de certaines de ses productions.
   
C’est d’ailleurs à travers ses œuvres réalisées avec des ronces que j’ai fait connaissance de Sibylle Besançon, en 2018. Contrairement à la plupart des personnes qui craignent ces branches armées d’épines et les détruisent, malgré leurs délicieux fruits violacés, l’artiste a fait sien le propos de l’empereur Marc-Aurèle, dans ses Pensées pour moi-même : « Il y a des ronces dans mon chemin. – Détourne-toi. C’est tout ce qu’il faut faire, mais n’ajoute pas : Pourquoi y a-t-il de pareilles choses dans le monde[5]. » Adoption partielle, seulement, car Sibylle Besançon ne s’en détourne pas. Elle les ramasse et les stocke consciencieusement. Elles lui servent, par exemple, à dessiner des lignes dans l’espace, maintenant en tension des fils pour former les raquettes ovoïdes qui jouent le rôle de grosses gouttes d’eau, comme dans son installation Il pleut des gouttes, présentée dans une grange à Taden, en 2019, puis à macparis, en 2021. Ces branches, taillées en segments de longueur homogène, serrées les unes contre les autres vont aussi donner naissance à une galette circulaire posée au sol, dont le centre attire le regard comme l’œil d’un cyclone : Pointillisme pentagonal, 2017. Ailleurs, des tiges entières, dotées de leurs épines, sont nouées de façon compacte pour former une sphère, grosse pelote ou planète improbable, légère et piquante, attrayante et menaçante, suspendue au-dessus du sol : La Pelote, œuvre évolutive depuis 2013.
   
De ces pièces, l’artiste écrit : « En jouant avec la forme, avec les formes. En utilisant le doux et le piquant, la légèreté et la pesanteur, le point et le contrepoint. En travaillant ? Pourquoi pas. En contemplant ? Sûrement[6]. » Cette volonté de réhabiliter une plante vilipendée me fait penser à divers auteurs qui lui ont rendu hommage à divers titres. Dans l’Antiquité, Théognis de Mégare, sur un ton quelque peu blasé, déclarait : « Une couche de ronces vaut bien des tapis pour un mort[7]. » Denis Diderot, lui, recourait à ce végétal comme métaphore de différents comportements vis-à-vis de l’existence : « Voilà le train de la vie ; l’un court à travers les ronces sans se piquer ; l’autre a beau regarder où il met le pied, il trouve des ronces dans le plus beau chemin, et arrive au gîte écorché tout vif[8]. » Eugène Ionesco, enfin, soulignait sa capacité d’accompagnement et de résilience : « Si une forêt surgit pour vous empêcher d’avancer, écartez les arbres. Les ronces vous suivront[9]. » Il y a un peu de tout cela dans l’utilisation qu’en fait notre artiste…
   
Sur le principe du Pointillisme pentagonal, en plus léger et aérien, la série des Mille tiges, 2022-2023, est réalisée à partir de bûchettes taillées dans des tiges d’herbacées du jardin et des fossés alentour. Elles sont comprimées et suspendues pour former des structures flottantes complexes, des rythmes qui se déploient dans l’espace, apparemment sans limites.
   
Plus généralement, le trait, la fibre et le végétal sont au cœur des travaux de Sibylle Besançon. Cette prédilection est patente dans ses œuvres sur papier, que ce soient ses dessins à la mine de plomb ou à l’encre, ses monotypes, ses gravures à la pointe sèche ou, aussi, ses photographies. Partout la force vitale y est manifeste, exubérante, génésique, envahissante ou proliférante, que ce soit dans d’insondables entrelacs ou dans de denses textures résultant d’enchevêtrements de lignes au caractère organique. Elle déclare « […] j’oriente mon travail sur le trait : une ligne peut-elle délimiter un espace, où s’arrête l’intérieur, l’extérieur. J’utilise toutes sortes de fils, de lianes. Je cherche un autre mode d’appréhension du monde : le volume, les plans, la lumière, les rythmes, la poésie des formes[10]. »
   
Outre les ronces, les fils, les lianes, les cordages ou le trait, Sibylle Besançon exploite aussi des siliques de radis, des septums de roquette, des branches, des écorces ou des troncs d’arbres, des tresses de tiges séchées, des coquillages brisés et divers objets d’origine naturelle, cultivés ou collectés çà et là. Ses réalisations empruntent aussi aux techniques traditionnelles de la dentelle, du tissage et de la vannerie, donnant à la notion d’ouvrage de dames une nouvelle résonance qui n’a rien de désuet ni de mièvre.
   
Le visiteur est accueilli dans son atelier par un fragment de tronc d’arbre renversé, une fourche de deux branches, qui évoque un torse de Constantin Brancusi. L’artiste a d’ailleurs rendu hommage au maître franco-roumain en créant sa propre Colonne sans fin, 2019, un amoncellement de bâtons et de ficelles, ou La tour, 2020, empilement d’écorces de châtaignier, ou encore The Big One, 2008, torse en bois de cèdre… Ailleurs se mêlent, dans un joyeux bric-à-brac, des œuvres achevées, des works in progress et des matériaux qui lui serviront pour des réalisations futures.
   
On découvre ainsi un petit tirage en bronze d’une structure linéaire réalisée par torsion d’une branche de ronce – série D’un seul trait, 2016 –, des septums de roquette colorés à la main et collés verticalement sur un bloc de verre – 70 septums, 2021 – évoquant les bougies posées sur un improbable gâteau d’anniversaire… Dans toutes ces pièces et dans bien d’autres encore, on peut déceler une quête de spiritualité, la mise en œuvre d’un processus de rédemption d’un matériau vil pour en faire une production de l’esprit… Mécanisme de transmutation auraient dit les alchimistes d’antan… De transsubstantiation diraient les théologiens… Commentant sa démarche, notre artiste cite d’ailleurs volontiers la moraliste dominicaine Véronique Margron quand elle déclare : « Donner de l’épaisseur au minuscule[11]. »
   
À sa façon, Sibylle Besançon procède par variations, comme le ferait un compositeur. Elle structure des séquences extraites du magma apparemment indifférencié du monde végétal, complexe dans son essence, fourmillant, changeant et sans cesse renouvelé. Ce qui l’intéresse, comme le soulignait Cathy Moreau, en 2023, ce sont « les différentes manières de tracer des continuités et des discontinuités entre les choses. […] l’émotion liée à la découverte de la structure interne d’un coquillage cassé […] la quête perpétuelle de la ligne directrice, celle qui sous-tend l’ensemble, visible ou invisible. […] pour ressentir l’insaisissable espace[12]. »
   
Ressentir l’insaisissable espace, c’est le propos central de sa série Petite gamme d’entrelacs, 2022, ou de Retournement, 2023. Pour réaliser ces pièces, Sibylle Besançon enveloppe un objet dans une coque de petits cordons métalliques formant un treillis qui l’enlace. Elle retire ensuite la forme emprisonnée, ne laissant que l’entrecroisement des fils. La structure résultante, à la fois volume et traits, ressemble à la mue d’un invraisemblable reptile. Elle conserve l’image de la forme génératrice, révélant simultanément son intérieur et son extérieur, tout en concentrant le regard du spectateur sur l’entrelacement des lignes qui constituent une sorte de peau, devenue transparente, les fils jouant le rôle du réseau des veines et des veinules. On pense à la très duchampienne notion d’inframince, cet intervalle imperceptible, parfois seulement imaginable, entre deux phénomènes, lieu où tout, même l’impossible, peut advenir, cette limite, plus ou moins palpable, entre un dehors et un dedans. Moyen, selon l’inventeur de ce concept de se projeter dans une autre dimension : « Je pense qu’au travers de l’inframince, il est possible d’aller de la seconde à la troisième dimension[13]. » C’est bien de cela dont il s’agit chez notre plasticienne…
   
Je ne peux m’empêcher, en observant ces surfaces réticulaires, embrassant un vide pour mieux souligner son absence et révéler une autre présence potentielle, de penser au célèbre aphorisme de Georg Christoph Lichtenberg : « un couteau sans lame, auquel manque le manche[14]. » Passage du concept à l’objet, de l’idée à la réalité. Nous sommes ici très proches de la notion platonicienne de l’εἶδος[15], acte de l’esprit en tant qu’il conçoit et non en tant qu’il sent ou éprouve[16]. Ce que Sibylle Besançon nous propose ici, c’est un aller de la réalité au concept et un retour du concept à la réalité, du point de vue du créateur… Et dans le sens inverse pour le regardeur…
   
Dans sa série Côte à côte, 2021-2024, notre artiste recourt à des siliques[17] de radis, patiemment cueillies puis teintées avant d’être alignées dans de foisonnantes et imposantes installations ou collées, une par une, sur divers petits supports végétaux récupérés çà et là. Le contraste est frappant entre la fragilité du matériau utilisé et la prégnance du rythme qui résulte de leur agencement... Entre la vulnérabilité de minuscules éléments et l’imposante présence de leur assemblage... Entre le mou et le dur… Devant ces œuvres, le regardeur que je suis pense, simultanément ou alternativement, à une dense partition musicale, aux vibrations chromatiques d’un nuancier, à la chatoyante irisation de certains tapis orientaux ou encore aux palpitations d’une jachère fleurie animée sous l’effet d’une légère brise…
   
Sibylle Besançon se plaît à citer Paul Klee qui écrivait, sous la forme d’une confession, en 1920 : « L’art ne reproduit pas ce qui est visible, mais l’art rend visible[18]. » C’est bien de cela qu’il s’agit chez notre artiste, mais on pourrait aussi évoquer ce que Gilles Deleuze écrivait au sujet de Francis Bacon, en 1981 : « En art, et en peinture comme en musique, il ne s’agit pas de reproduire ou d’inventer des formes, mais de capter des forces[19]. » Capter des forces, celles de la Nature ou celles latentes dans le geste du créateur ou dans le regard du spectateur, telle est la gageure à laquelle Sibylle Besançon s’attaque… C’est la convergence ou la confrontation de ces différents flux d’énergies qui confère à ses productions leur irrésistible pouvoir d’attraction.
Décembre 2024
[2] Habitante du département du Doubs.
[3] Habitante du département des Côtes-d'Armor.
[4] In Propos, 28 février 1908.
[5] Βάτοι ἐν τῇ ὁδῷ; Ἔκκλινον. Ἀρκεῖ, μὴ προσεπείπῃς· τί δὲ καὶ ένετο ταῦτα ἐν τῷ κόσμῳ in Τὰ εἰς ἑαυτόν, VIII-L, 170-180. Bien qu’empereur latin, Marc-Aurèle a écrit ses Pensées pour moi-même en grec.
[6] Site de l'artiste : sibylle-besancon.fr.
[7] ἀσπάλαθοι δὲ τάπησιν ὁμοῖον στρῶμα θανόντι, in Ελεγειων, A-1193, vers 540 avant J.-C.
[8] In Jacques le Fataliste et son maître, 1765-1784, publication posthume en 1796.
[9] In, Notes et Contre-Notes, 1962.
[10] Op. cit.
[11] Source non identifiée.
[12] Texte figurant sur le site de l'artiste.
[13] Marcel Duchamp, in Notes, ca 1930.
[14] Ein Messer ohne Klinge, an welchem der Stiel fehlt, in Verzeichniss einer Sammlung von Geräthschaften, welche in dem Hause des Sir H. S. künftige Woche éffentlich verauctionert werden sollen, 1798.
[15] Qu'à défaut de meilleur mot, les versions françaises traduisent par forme.
[16] Notamment dans Περὶ πολιτείας VI, 507-b 8-9.
[17] Mode d'emploi fourni par l'artiste : Les siliques sont des fruits et donc contiennent les graines. Pour obtenir des siliques : semez en début d’automne des graines de radis d’hiver “Violet de Gournay”, laissez pousser… Ne les mangez pas ! Au printemps, une tige pousse, elle se couvre de fleurs. Les insectes butinent ces fleurs, la fécondation a lieu. Les fruits (siliques) se développent. Récolte dans l'été , op.cit.
[18] Kunst gibt nicht das Sichtbare wieder, sondern Kunst macht sichtbar, in Klee, Schépferische Konfession, 1920.
[19] In Francis Bacon, logique de la sensation, 1981.
Texte de Cathy Morault
D’abord, il y a les kyrielles.
   
Des kyrielles de fils, de points, de lignes, de traits, de sections, de hachures, de cuivre, d’inox, d’étonnantes siliques de radis, septums de roquette, ronces, écorces ... L’artiste organise des séquences et les agence à sa manière dans une intrication à la fois synchrone et décalée. Il faut du rythme. Il faut que ça vibre et résonne. Il faut que ça palpite.
   
Promenez-vous avec Sibylle Besançon, elle vous montrera les fibres d’une plante montée en graine, vous parlera de son affection pour les «petits bordels» enchevêtrés de mousses, de graines, de tiges. La nature l’inspire et nourrit son imaginaire, le végétal en particulier dans toute sa complexité, reconnaissable, quantifiable. À ce fourmillement du monde, elle fait écho par des oeuvres en volume, dessinées ou gravées dans lesquelles elle explore les infinies variations sur une même forme. Observez ces installations : des siliques de radis teintées une par une puis savamment alignées côte à côte, cette pluie de gouttes élaborées autour de multiples fils... L’artiste y envisage la déclinaison du même, l’émerveillement né du semblable toujours différent. Les éléments changent constamment d’emplacement entre une position de figure et une position de fond, dans une suite d’alternances et de superpositions qui dessinent l’espace en hauteur et en profondeur. Sibylle Besançon explore inlassablement les différentes manières de tracer des continuités et des discontinuités entre les choses.
   
Et puis il y a ce réel qui n’est jamais plat.
   
De l’émotion liée à la découverte de la structure interne d’un coquillage cassé est née la quête perpétuelle de la ligne directrice, celle qui sous-tend l’ensemble, visible ou invisible. Commence alors un jeu subtil pour tendre le mou, organiser le fil, diriger les lignes, susciter la surprise, faire vibrer le regard et l’inviter à traverser les surfaces. Par ses organisations rythmiques et ses formes dynamiques, Sibylle Besançon donne à voir la peau du dedans, nous plonge dans de multiples sections de bâtons, nous fait peloter des ronces et ressentir l’insaisissable espace.
Entourer une forme de fil. La cercler. La ceindre par un enlacement répété. Puis ôter la forme comme par magie. Ne reste alors que le fil, magnifié, rendu plus fort par la multiplicité de ses entrelacs.
Entourer le blanc pour révéler le noir. Cerner le vide pour embrasser l’absence. D’un regard traverser la surface pour observer simultanément l’intérieur et l’extérieur d’une même forme.
   
Le travail de Sibylle Besançon incite à cultiver une qualité d’attention spacieuse, entraîne à voir large et à changer de posture. Là où la plupart voient ronces - piquants - agression - douleur, elle voit traits - crans - ponctuation - graphisme, elle fait rondeur - accumulation - enroulement. Le piquant de la ronce sert d’appui. Là où nous fuyons l’idée même du contact avec la pointe agressive, l’artiste y voit un allié pour s’appuyer, avancer avec souplesse et solidité, mêler, enlacer, tendre. Les moyens utilisés sont simples ? Tant mieux. Certains de ses processus de création sont très longs ? Peu importe. Intuitive, Sibylle Besançon se situe du côté des artistes qui ont besoin de faire pour réfléchir, dans un va et vient nourrissant entre la main qui fait et un regard interrogateur et exigeant.
   
De ses oeuvres émerge une petite musique du vivant, à cadence régulière, incessante et légère.
Laissez votre regard danser maintenant...
Printemps 2023
Prix de L'Officiel Galeries & Musées 2016
au Salon REALITES NOUVELLES
pour la Grande Pelote
Texte de Anne-Laure Peressin
Légèreté et pesanteur :
l'abstraction façon Sibylle Besançon
Exposition du 16 au 23 octobre 2016
70e Salon Réalités Nouvelles ,
Parc floral de Paris
Depuis 1946, le Salon Réalités Nouvelles continue d’ouvrir la voie à l’art abstrait et d’être toujours un bel hommage rendu à ses fondateurs, Robert et Sonia Delaunay, en tant que lieu d’échange, de convivialité et de découvertes. Pour cette édition anniversaire signant les 70 ans d’un succès continu, l’Officiel Galeries & Musées a été invité à récompenser le travail d’un artiste, distinction attribuée à Sibylle Besançon et son œuvre tridimensionnelle La Pelote.
Parfaitement ronde mais si piquante, imposante mais si légère, la sphère d’épines de Sibylle Besançon est une apothéose des contraires. Suspendu à un fil, ce curieux sac de lianes et de liens forme une planète où la nature s’impose en reine. S’il attire l’œil, il repousse la main. D’innombrables aiguilles recouvrent la surface, déambulent le long des branchages finissant de former un amas globeux massif et majestueux. Majestueux oui, car l’esthétique est raffinée, détaillée, minutieuse, révélant la beauté supérieure de la Nature mariée au savoir-faire « artisanal » de Sibylle Besançon qui a su dompter et apprivoiser ces ronces inhospitalières.
   
Le résultat est d’autant plus notable qu’il révèle une double abstraction : à celle d’une sculpture non-figurative, se conjugue ici une notion plus philosophique de l’ « abstraction ». L’œuvre de Sibylle Besançon s’observe pour généraliser le continu, matérialiser la pensée, illustrer une réalité dans son état brut. Quelle continuité, quelle pensée, quelle réalité ? Chacun est maître en la matière de les définir mais une chose est certaine, cette boule épineuse n’est pas faite que pour être vue, elle a été créée pour penser.
   
Dès lors, cette boule piquante pourrait être une belle métaphore de l’esprit. Chaque branche est un fil conducteur de la pensée prenant de l’épaisseur et de la teneur en se liant aux autres. Cette tête pensante est à la fois indocile et apprivoisable, pouvant croître à force de travail, devenant alors plus incisive et armée que jamais. Déjà en apesanteur, elle est vouée à s’élever… ou à s’effondrer. A chacun de ménager son esprit critique !