Démarche

Texte de Cathy Moreau,
Printemps 2023

D’abord, il y a les kyrielles.
   

Des kyrielles de fils, de points, de lignes, de traits, de sections, de hachures, de cuivre, d’inox, d’étonnantes siliques de radis, septums de roquette, ronces, écorces ... L’artiste organise des séquences et les agence à sa manière dans une intrication à la fois synchrone et décalée. Il faut du rythme. Il faut que ça vibre et résonne. Il faut que ça palpite.
   

Promenez-vous avec Sibylle Besançon, elle vous montrera les fibres d’une plante montée en graine, vous parlera de son affection pour les «petits bordels» enchevêtrés de mousses, de graines, de tiges. La nature l’inspire et nourrit son imaginaire, le végétal en particulier dans toute sa complexité, reconnaissable, quantifiable. À ce fourmillement du monde, elle fait écho par des oeuvres en volume, dessinées ou gravées dans lesquelles elle explore les infinies variations sur une même forme. Observez ces installations : des siliques de radis teintées une par une puis savamment alignées côte à côte, cette pluie de gouttes élaborées autour de multiples fils... L’artiste y envisage la déclinaison du même, l’émerveillement né du semblable toujours différent. Les éléments changent constamment d’emplacement entre une position de figure et une position de fond, dans une suite d’alternances et de superpositions qui dessinent l’espace en hauteur et en profondeur. Sibylle Besançon explore inlassablement les différentes manières de tracer des continuités et des discontinuités entre les choses.
   

Et puis il y a ce réel qui n’est jamais plat.
   

De l’émotion liée à la découverte de la structure interne d’un coquillage cassé est née la quête perpétuelle de la ligne directrice, celle qui sous-tend l’ensemble, visible ou invisible. Commence alors un jeu subtil pour tendre le mou, organiser le fil, diriger les lignes, susciter la surprise, faire vibrer le regard et l’inviter à traverser les surfaces. Par ses organisations rythmiques et ses formes dynamiques, Sibylle Besançon donne à voir la peau du dedans, nous plonge dans de multiples sections de bâtons, nous fait peloter des ronces et ressentir l’insaisissable espace. Entourer une forme de fil. La cercler. La ceindre par un enlacement répété. Puis ôter la forme comme par magie. Ne reste alors que le fil, magnifié, rendu plus fort par la multiplicité de ses entrelacs. Entourer le blanc pour révéler le noir. Cerner le vide pour embrasser l’absence. D’un regard traverser la surface pour observer simultanément l’intérieur et l’extérieur d’une même forme.
   

Le travail de Sibylle Besançon incite à cultiver une qualité d’attention spacieuse, entraîne à voir large et à changer de posture. Là où la plupart voient ronces - piquants - agression - douleur, elle voit traits - crans - ponctuation - graphisme, elle fait rondeur - accumulation - enroulement. Le piquant de la ronce sert d’appui. Là où nous fuyons l’idée même du contact avec la pointe agressive, l’artiste y voit un allié pour s’appuyer, avancer avec souplesse et solidité, mêler, enlacer, tendre. Les moyens utilisés sont simples ? Tant mieux. Certains de ses processus de création sont très longs ? Peu importe. Intuitive, Sibylle Besançon se situe du côté des artistes qui ont besoin de faire pour réfléchir, dans un va et vient nourrissant entre la main qui fait et un regard interrogateur et exigeant.
   

De ses oeuvres émerge une petite musique du vivant, à cadence régulière, incessante et légère.
Laissez votre regard danser maintenant...